Mardi 30 octobre. Au volant de ma petite C1 rouge, je me préparais mentalement à vivre un véritable voyage intérieur ! Trois semaines après ma démission, j’avais besoin de me retrouver, de faire le point et de revenir à l’essentiel pour mieux envisager l’avenir. Pour rebondir, il est important déjà de se concentrer sur la base. Sans socle solide, c’est l’effondrement ou du moins ça reste sacrément bancal. J’avais donc choisi de passer quelques jours, coupé de tout, dans un joli château, en pleine campagne sarthoise. Un château un peu spécial, puisqu’il était le QG des bouddhistes Kadampa de France. Au fur et à mesure que j’avalais les derniers kilomètres qui me séparaient de ma destination, non loin du Mans, je pouvais percevoir mon excitation tout autant que mes doutes. Et oui, la jeune femme courageuse qui était partie seule à l’autre bout du monde avait bel et bien peur ! Ironique vous ne trouvez pas ?
Un premier jour difficile
A mon arrivée, sans aucun doute le lieu était évidement grandiose mais aussi évidement… isolé ! Malgré l’appréhension, je pris un nouvelle fois mon courage à deux mains pour aller découvrir cet endroit comme suspendu hors du temps. En poussant la porte, je découvris alors, dans une atmosphère particulièrement apaisante et feutrée, une vingtaine de personnes s’apprêtant à déjeuner. Comment vous dire qu’à ce moment précis, je n’en menais pas bien large. Je me sentis quelque peu « différente » et rarement aussi apprêtée qu’à cet instant-ci. Pourquoi ? Et bien parce que ces personnes étaient à l’image de l’endroit : hors du temps ! Oui, elles étaient pour ainsi dire… en pyjama ou dans des tenues multicolores ultra décontractées un peu comme à la maison un dimanche d’hiver maussade. Première surprise !
Me sentant quelque peu perdue, je me décida à aller récolter quelques informations auprès de l’une d’entre elles, qui me proposa aussitôt une visite des lieux et leur fonctionnement avec un enthousiasme déconcertant ! Petit à petit, je découvris alors la salle à manger, l’accueil et sa petite boutique, les dortoirs, les douches et sanitaires, une immense salle de méditation à couper le souffle et deux plus petites ainsi que le magnifique parc arboré du château.
Maintenant que je savais davantage où j’avais mis les pieds, il était temps de se remplir un peu l’estomac. Assiette végétarienne en main (amoureux de la viande s’abstenir, elle y est formellement interdite), je m’assis parmi un petit groupe de jeunes femmes. Il ne fallu d’ailleurs pas bien longtemps avant qu’elles n’engagent la discussion. C’est finalement avec une jeune quadragénaire que je sympathisa le plus et avec qui je resta discuter une bonne partie de l’après-midi, avant que chacune se retire dans ses pénates.
« De temps en temps, il nous faut faire une pause pour permettre à notre âme de nous rejoindre. »
Proverbe indien
Je crois que c’est à ce moment précis que j’ai le plus ressenti la solitude et l’ennui. J’ai bien tenté d’ouvrir un carnet pour travailler un peu sur moi (parce que j’étais quand même venu pour ça) mais il n’en sortait pas grand chose de nouveau. Nous voilà bien ! Seule, dans un dortoir de six, qui plus est…vide, au fin fond de la campagne, sans réseau, ni réelle activité pour se distraire. Je ne pouvais plus fuir, cette fois-ci. Oui, parce qu’au delà du fait de se distraire et de prendre du plaisir, la distraction est aussi un moyen de fuir. Et c’est finalement ce que font beaucoup d’entre nous. On occupe notre temps en travaillant ou en pratiquant des activités, mais on occupe aussi notre esprit en s’évitant de trop penser ou de faire une pause pour se pencher un peu sur soi. Inconsciemment, nous craignons de découvrir qui nous sommes vraiment et ce à quoi nous aspirons réellement. Peur de mettre le doigt sur un mal être, des regrets par manque d’audace ou une souffrance restée là. Peur d’être avec soi-même finalement. Nous sommes notre meilleur ami, alors pourquoi devrions-nous nous fuir ? Pourquoi ne pas plutôt nous accueillir et nous connecter avec notre soi le plus profond ? C’est de cette façon seulement que nous pourrons créer la vie de nos rêves !
Dans une journée type, il y avait tout de même, deux activités auxquelles on pouvait participer librement, en compagnie de moines bouddhistes : une demie heure de méditation guidée, juste avant le repas du midi et une séance de prières, accompagnées de temps de méditation, en fin de journée, avant le repas du soir.
Après ces quelques heures d’introspection, je décidais alors de me rendre à cette dernière, curieuse et pleine d’entrain. Un enthousiasme qui ne fût pas de trop d’ailleurs ! Cette première séance de prière s’est finalement révélé interminable et quelque peu douloureuse. En effet, je ne comprenais absolument pas le sens des prières chantées, ni ce que représentait chacune des divinités évoquées. Je ne me sentais clairement pas à ma place et peu légitime de m’adonner à de telles prières. Les deux séances de méditation de 10 et 15 minutes, n’ont pas été plus concluantes. Impossible de tenir en place et de me concentrer, attaquée à coup de fourmis, sur mon coussin de méditation. J’ai probalement dû en agacer plus d’un.
18h30 : L’heure du repas. Sauvée par le gong ! Oui, là-bas, on est à l’heure des maisons de retraites ou des anglais, comme vous préférez. Un dîner tout aussi riche en rencontres et en échanges, notamment avec la connaissance d’une nouvelle personne. Une jeune trentenaire, avec qui le feeling est, également, tout de suite, particulièrement bien passé. Trois heures de discussion plus tard, il est à peine 22h et nous sommes parmi les dernières debout, extinction des feux !
La journée du lendemain se déroula globalement sur le même schéma, si ce n’est un instant ménage qui est venu se greffer au cours de l’après-midi. Proche de l’ennui, ma nouvelle acolyte et moi décidions de répondre à l’appel aux bénévoles, nécessaires pour préparer l’arrivée imminente des participants à la prochaine grande retraite. Notre mission : nettoyer une partie des sanitaires du centre. Merveilleux ! Heureusement à deux c’est toujours mieux ! Comme prévu, dans la soirée, une marée humaine débarqua au château. Autant vous dire qu’il fallait bien anticiper les temps douches et repas. Sans parler des dortoirs où j’avais désormais hérité de copines de chambre. Deux en particulier, avec qui le courant est passé directement, comme si on se connaissait déjà depuis des décennies.
Ne plus souffrir de l’attachement
Le lendemain, les choses sérieuses commençaient et débutait cette retraite spéciale sur le thème de l’attachement. Retraite qui se déroulait jusqu’à la fin de la semaine. Bien que je n’étais pas venue à la base pour cette dernière, c’était l’occasion parfaite pour en apprendre un peu plus sur les cause de la souffrance lié à l’attachement et les outils pour s’en libérer.
A partir de là, les journées furent bien différentes. Chaque jour, étaient dispensés par un moine bouddhiste, quatre enseignements, incluant chacun une période de méditation : Deux le matin, un autre en fin d’après-midi et enfin, un le soir après le repas. Autant vous dire que le rythme était assez intense !
Au travers de ces séances, notre moine enseignant nous expliquait les principes de l’attachement. Comment l’identifier dans notre quotidien, prendre conscience qu’il est cause de souffrance, pour enfin pouvoir l’éliminer petit à petit de notre esprit, dans le but d’aimer d’un amour pur mais surtout de vivre heureux et en paix. Et la méditation dans tout ça ? Et bien c’est la clé ! L’élimination de toute graine d’attachement présent dans notre esprit, passe par différents temps de méditation à pratiquer quotidiennement. Avant de pouvoir les réaliser de façon autonome chez soi, notre enseignant s’attachait à nous en apprendre les bases.
« Ce n’est pas de l’amour, c’est de l’attachement »
Guèn Kelsang Eupamé
Bien qu’ils fût extrêmement enrichissants, ces enseignements étaient parfois difficiles à intégrer. D’abord parce que le rythme était soutenu, également parce que les notions abordées provenaient directement du bouddhisme, religion qui m’était finalement étrangère, mais aussi, parce que cette manière de voir les choses n’était pas innée et parfois contradictoire avec mon système de pensée.
Au fur et à mesure des séances, puis des jours, j’en apprenais un peu plus sur cette religion et ces dogmes (ou devrais-je plutôt dire sur cette philosophie). Hors enseignement, entre nous, nous passions une grande partie du temps à échanger autour de ces notions, ce qui en facilitait aussi la compréhension. Je dois dire que j’ai globalement plutôt aimé ce que j’ai découvert. J’aime et je partage cette idée que l’esprit est la source du véritable bonheur, mais aussi, celle de l’expérience de toute souffrance. Qu’il est possible de se défaire de notre vision erronée de la réalité, pour remédier à notre souffrance et celle des autres. J’aime ce principe que rien n’existe en soi et par soi mais que tout est interdépendant et impermanent.
Ma pratique de la méditation s’est également considérablement améliorée, au fil des enseignements. Cela pouvait difficilement être pire je vous l’accorde. Certes, il y avait toujours quelques séances où j’étais moins attentive mais j’arrivais désormais aisément à rester concentrer, les yeux fermés, plus de 10 minutes, sans avoir la bougeotte. J’y prenais même du plaisir et commençais à ressentir les prémices d’un apaisement mental !
Sur le départ…
Ce fût ainsi bien plus vite que je l’avais imaginé que le jour du départ se profila. Dernières heures monacales et papotages et le moment de plier bagages était finalement arrivé. Alors que j’étais plutôt pressée d’en finir les premiers jours, c’est avec un pincement au coeur que je savourais ces dernières minutes, au sein de cette bulle de quiétude. J’étais finalement dans mon élément parmi toutes ces personnes. Elles me ressemblaient et elles avaient cette façon de voir la vie similaire à la manière dont je la percevais. C’était incroyablement facile d’échanger et de se comprendre. Mais ce qui était le plus saisissant c’était cette écoute et cette bienveillance, qui avait remplacé le jugement et la méfiance. En fait, j’avais peur de retrouver ce monde individualiste et frénétique, rythmé par une consommation à outrance. Une fois rentrée, je craignais aussi de retrouver mes anciennes mauvaises habitudes et manières de penser. Mais bon, quand il faut y aller, il faut y aller ! Le courage ça marche dans les deux sens finalement : lorsque l’on arrive, mais aussi lorsque l’on part.
Quelques derniers au revoir, sac sous le bras et c’est alors que je franchissais le porche vers cet autre monde, avec l’impression d’être différente.
* * * *
Et vous, avez-vous déjà eu l’occasion de faire une retraite spirituelle ? Est-ce que vous aimeriez tester l’expérience ?
Et le bouddhisme, vous connaissez bien ? Est-ce une philosophie qui vous intéresse ?